J’aime, j’aime, j’aime… Aujargues.

Mettons les choses au clair. J’aime Aujargues mais je n’aime pas ce village comme les imbéciles qui sont nés quelque part, chantés par Brassens. Je suis de Nîmes, du Gard, des Cévennes. Mon pays c’est le Languedoc. Je suis chez moi à Sommières ou à Aujargues. J’y retrouve la lumière et les pierres, les paysages et les accents.

J’ai perdu ma langue en chemin mais j’ai encore des mots pour dire la brusque pluie ou le soleil de plomb. Je ne suis pas contre certains changements mais j’aimerais que ça se fasse plus lentement et plus intelligemment. Je ne crains pas l’estranger. Je voudrais même l’accueillir mais dans un chez moi qui se ressemble encore un peu. Pas faire place nette pour qu’il y lotisse et y clubmède.

Je me souviens qu’on a voulu démoustiquer la Camargue. Quel projet d’une folie inouïe. Je vois par delà la plaine de la Crau le ravage de la région : Berre l’étang, Fos-sur-mer. Mon sang se glace quand j’y songe et quand je songe à tout ce qu’on a entrepris ici.

Pour 2014 je fais le vœu de se laisser une chance de faire autrement. Je le dis, je l’écris, pour que ce soit partageable et partagé. Mettre ma goutte d’eau pour pousser la conscience individuelle et collective.

Les champs, les collines, les portions de littoral de notre enfance ne reviendront pas. Doit-on démissionner pour autant ? Non, bien entendu. Ne nous laissons pas faire, ne vous laissez pas faire. Si vous avez quelque part dans votre cœur un village, une lumière de printemps sur un champ, un endroit qui voulait dire beauté, faites les précieux, portez les comme un drapeau, que ces images vous portent à leur tour si vous êtes perdus.

Aujargues est une pierre dans ma poche quand je suis sur les chemins, un marque-page dans mon livre quand je suis dans le train, une voix au téléphone quand je suis loin. J’ai d’autres images importantes mais c’est elle qui me porte ces derniers temps. Je vous souhaite de trouver la votre, de trouver les votre, de les cultiver et d’être porté-e-s.

PS : Souvenons-nous, voilà ce qu’on nous a fait bouffé à une époque :

C’est la vision d’une France, des routes et d’un littoral qui existait réellement. C’est fini tout ça ! Bienvenue dans les nouveaux quartiers de Carnon, Palavas, Sète, Agde, jusqu’aux étangs de Bages. Même à la Franqui, c’est visité toute l’année, alors que c’était le désert en hiver. Forcément, le Grand travers a été bouffé ! Maintenant il faut aller en Espagne, au Portugal ou plus loin en Grèce, Crête, Chypre pour revoir ces paysages. Et on ose encore nous traiter d’égoïstes ‽ Mais qui a eu l’égoïsme de priver les générations actuelles de la méditerranée sauvage ? Ah on en a voulu de la bagnole. Ben on l’a, et elle a bien bouffé toute la liberté qu’elle prétendait nous offrir (voir les autres pubs Citroën de l’époque : « La beauté Sauvage » (diesel of course)).

J’aime, j’aime, j’aime… mon littoral bétonné !

L’Aj

 

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